L’histoire de l’innovation n’est jamais linéaire. Elle avance par vagues, par cycles, où des périodes d’exubérance sont suivies par des moments de rationalisation. Après les excès de la décennie passée - capital abondant, valorisations gonflées, course effrénée à la croissance - 2025 ouvre un nouveau chapitre, plus sélectif, plus exigeant. Dans ce contexte, une question émerge avec force : quel sera le rôle du Venture Building dans le prochain cycle d’innovation ?
Ce modèle, encore méconnu du grand public il y a dix ans, s’impose désormais comme un pilier incontournable des écosystèmes entrepreneuriaux. Les données le confirment : selon le Global Startup Studio Network, une startup issue d’un Venture Studio a près de 30 % de chances supplémentaires de réussir par rapport à une startup traditionnelle. Et au moment de lever des fonds, ces startups passent du pré-seed à la Série A en 25 mois en moyenne, contre 56 mois pour les autres.
Un contexte favorable à l’émergence des Venture Builders
La première raison de croire en l’avenir du Venture Building réside dans le climat économique actuel. Les investisseurs se montrent plus prudents : les levées de fonds globales ont reculé de près de 42 % en 2023 par rapport à l’année record de 2021. Dans ce nouvel environnement, où chaque euro compte, le Venture Building apparaît comme une réponse logique.
Pourquoi ? Parce qu’il réduit le gaspillage. Les idées sont testées rapidement, les ressources mutualisées, les équipes accompagnées pas à pas. Là où un startup classique peut brûler des millions avant de se rendre compte que son produit ne trouve pas son marché, un projet issu d’un Venture Builder ajuste le tir bien plus tôt.
Leçons tirées des pionniers
Des acteurs comme Flagship Pioneering aux États-Unis ont déjà montré la voie. Ce Venture Builder de Boston est à l’origine de plusieurs géants de la biotech, dont Moderna, qui a joué un rôle clé dans la mise au point du vaccin à ARNm contre le Covid-19. Ici, l’exemple est frappant : sans un Venture Builder capable de financer la recherche fondamentale, de recruter les bons scientifiques et de structurer une startup avant même qu’il y ait un marché, une telle réussite aurait été improbable.
En Europe, le studio parisien Hexa (anciennement eFounders) démontre également la puissance du modèle. Avec plus de 40 startups lancées et un taux d’échec limité à 6 %, Hexa prouve que l’innovation peut être industrialisée sans perdre son agilité. Leurs spin-offs, comme Aircall ou Front, sont devenus des scale-ups internationales, générant des milliers d’emplois.
Le Venture Building comme réponse aux grands défis
Le prochain cycle d’innovation sera marqué par des défis mondiaux : le climat, l’intelligence artificielle, la santé, la cybersécurité. Autant de secteurs où le temps presse et où les erreurs coûtent cher. Or, le Venture Building est particulièrement adapté pour s’attaquer à ces problématiques complexes.
Dans le domaine climatique, par exemple, les projets nécessitent des investissements lourds et des validations scientifiques rigoureuses. Les Venture Builders peuvent absorber ce risque en mutualisant les ressources, en travaillant avec des chercheurs et en créant plusieurs projets en parallèle. Cela augmente les chances qu’au moins l’un d’entre eux réussisse à atteindre une échelle significative.
De même, dans l’IA, où l’innovation avance à une vitesse vertigineuse, les studios offrent un cadre permettant de tester rapidement des cas d’usage, de sécuriser l’accès aux talents et de lever des fonds dès que la traction est prouvée.
Une industrialisation de l’entrepreneuriat ?
Certains critiques voient dans le Venture Building une forme de « fabrique à startups » qui risque de standardiser l’entrepreneuriat. Mais l’expérience montre l’inverse. En réalité, le modèle ne bride pas la créativité : il la canalise. Il donne aux idées le cadre nécessaire pour passer du stade de concept à celui d’entreprise viable.
McKinsey souligne que les Venture Builders expérimentés produisent en moyenne des startups générant 12 fois plus de revenus au bout de cinq ans que celles issues de studios novices. Cela prouve que l’expérience accumulée ne tue pas l’innovation, elle la renforce.
Vers une hybridation des modèles
L’avenir du Venture Building ne se limitera pas aux studios indépendants. On observe déjà une hybridation :
Des entreprises traditionnelles lancent leurs propres Venture Builders pour explorer de nouveaux marchés (par exemple, les grands groupes énergétiques qui développent des spin-offs dans les énergies renouvelables).
Des fonds de capital-risque commencent à intégrer des équipes de Venture Building pour mieux accompagner leurs participations.
Des gouvernements soutiennent des programmes de studios nationaux afin de stimuler l’innovation locale et de retenir les talents.
Cette hybridation crée un écosystème plus robuste, où le Venture Building n’est plus une alternative marginale mais un composant central du cycle d’innovation.
Une promesse d’impact à long terme
À mesure que ce modèle gagne en maturité, une chose devient claire : le Venture Building n’est pas seulement un outil pour créer des startups plus vite, c’est une méthode pour créer des entreprises plus solides et plus alignées sur les grands besoins de la société.
En réduisant les risques d’échec, en attirant les meilleurs talents et en canalisant les capitaux vers des projets réellement validés, il contribue à un écosystème entrepreneurial plus durable. Et dans un monde où les crises se succèdent - sanitaires, climatiques, géopolitiques, cette durabilité est plus précieuse que jamais.
Le prochain chapitre
L’avenir du Venture Building dans le prochain cycle d’innovation sera donc marqué par trois dynamiques : une adoption massive par les investisseurs en quête de sécurité, une expansion vers des secteurs critiques comme le climat et la santé, et une hybridation avec les entreprises et les institutions.
Nous entrons dans une période où l’innovation ne peut plus se permettre d’être chaotique ou gaspilleuse. Le Venture Building, avec sa rigueur et sa créativité, apparaît comme le modèle capable d’écrire les prochaines grandes histoires entrepreneuriales.
Dans dix ans, il est probable que nous ne parlerons plus de Venture Building comme d’une nouveauté, mais comme de l’infrastructure invisible de l’innovation mondiale.